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Mathilde – « Je me pensais fragile et faible, j’ai été persévérante et forte »

Récits de naissance

Depuis que je suis petite, avoir un jour un enfant n’est pas un sujet. Mais vivre l’accouchement en est un. Je grandis en étant à la fois effrayée et fascinée par cet événement. Les femmes qui peuvent me parler du leur font malheureusement partie de cette génération des pieds dans les étriers, de la péridurale automatique et du manque d’information sur la physiologie de leur propre corps.

 

Alors quand j’apprends que je suis enceinte, malgré toute la lumière qui m’éblouit, il y a, sournoise et inquiétante, cette petite ombre de peur.

 

Les femmes de ma famille accouchent « par les reins », une douleur terrible paraît-il. Et puis un premier accouchement ça dure longtemps. Et puis moi je ne connais pas la douleur, je n’ai pas de règles très douloureuses, je ne me suis jamais cassé ou ouvert quelque chose. Je pleure quand je me coupe avec une feuille … Il faut que je trouve des outils pour dompter ma peur, pour l’apprivoiser et en faire mon alliée.

 

Depuis plusieurs mois j’ai (logiquement) arrêté la pilule, retrouvé le fonctionnement d’un corps sans hormones, découvert des cycles réguliers, et cette mécanique m’enchante. J’ai envie d’en savoir, d’en comprendre plus sur nos corps et leur puissance. J’écoute, je lis des choses à ce sujet (merci Lucile Gomez), je suis des comptes (coucou @émancipées). 

 

L’algorithme des réseaux m’a bien cernée et je tombe sur le tien, Manon. 

L’évidence. C’est ce qu’il me faut.

Les préparations physiques ça me gonfle. Tout ce qui se passe dans ma vie se passe surtout dans mon cerveau. Alors c’est avec lui que je dois travailler pour préparer mon accouchement. 

 

L’auto hypnose sera ma préparation. 

 

En bonne procrastinatrice, j’attends les derniers mois de grossesse pour m’entraîner. Il me faut quelques répétitions pour comprendre comment détendre mon corps et relâcher mon esprit. 

 

Une fois que j’ai saisi le truc, les audios sont super efficaces, j’adore les exercices de visualisation et je me régale avec l’audio du D-day. 

 

Je me fais même plusieurs scénarios histoire de ne pas être déçue le moment venu.

 

Les visios avec toi et les filles du groupe sont des petites parenthèses de sororité et de soutien (coucou les filles 💖)

 

Mon terme est prévu pour le 24 avril, c’est la date de naissance de ma tatie qui nous a quittés il y a quelques années, et l’anniversaire de mariage de mes grands-parents (mon papy est décédé il y a quelques temps). 

 

Une date qui me tient donc à cœur. Chargée en symboles et en énergies. 

 

Peut-être un peu trop au goût de mon petit bébé…

 

J’adore être enceinte, je veux que ça dure le plus longtemps possible, je répète chaque jour à ma fille qu’elle peut rester longtemps au chaud. 

 

Mais, en bon petit bélier têtu, elle choisit de contrecarrer mes plans et de se pointer plus tôt.😂

Le mercredi 3 avril, à 6h du matin, je ressens une vive douleur dans le ventre. Mon cerveau est en alerte immédiate. Je saute du lit et je comprends tout de suite que j’ai fissuré la poche des eaux.

 

Heureusement Nathan n’est pas encore parti au boulot, il se lève peu après moi et répond, enjoué, « ben allez, c’est parti ! » quand je lui expose la situation. 

 

De mon côté je suis plus mitigée, c’est trop tôt, je n’ai pas terminé tout ce que j’avais prévu de faire avant qu’elle arrive, j’ai l’impression de ne pas m’être suffisamment entraînée à l’auto hypnose, et puis la valise de maternité n’est même pas prête.

 

Dans les 3h qui suivent on s’affaire chacun de notre côté, je me douche, me lave les cheveux, et Nathan étudie en accéléré tes modules dans « le coin des papas » (pas organisés, tu dis ..?😂). On arrive à la maternité sans que j’aie ressenti une seule contraction.

 

Myriam (alors oui, on l’appelle par son prénom parce qu’elle a été notre personne de référence le jour le plus important de notre vie ) nous installe dans la petite pièce à l’entrée pour un monitoring.

 

On la partage avec un autre couple, un rideau nous sépare.😬

 

Je ne suis pas très à l’aise et je n’ai pas envie de les déranger, je respire doucement.

 

Myriam nous laisse 30mn seuls avec le monito, les contractions ont commencé.

 

Plus de place pour la politesse🤭, j’accompagne le travail de mon corps avec des sons graves et une respiration bruyante.

 

Quand Myriam revient elle me félicite de gérer si sereinement et me propose un toucher vaginal pour estimer l’ouverture du col.

 

J’accepte mais la position allongée est une torture, je gère difficilement une contraction.

 

Heureusement, je suis vite soulagée d’apprendre que je suis déjà dilatée à 3.

 

Elle nous propose de marcher dans les couloirs pour faire avancer le travail avant de nous installer dans une salle. 

 

Je déambule tant bien que mal mais chaque personne que je croise, chaque spot à l’éclairage blanc, chaque parole sont autant d’agressions.😥

Je veux me recroqueviller dans un endroit sombre et silencieux.

J’ai le temps d’appeler ma mère pour la prévenir (je veux qu’au moins une personne « du monde extérieur » soit au courant de ce que je suis en train de vivre), puis Nathan demande à ce qu’on soit installés.

 

Myriam, cet ange, a lu notre projet de naissance et propose de nous donner la salle nature, celle que j’espérais !

 

À ce stade-là je suis déjà en mode pilote automatique.

 

Une fois arrivés dans la salle, Nathan baisse les stores, sort la veilleuse, les abricots secs et nos outils : peigne et winner flow.

 

Je n’utiliserai rien de tout ça étant donné que ma seule façon de gérer consiste à me balancer debout d’une jambe sur l’autre, bras détendus, cou relâché, yeux fermés.

 

On dirait presque que je me berce …si on ne tient pas compte de mes doigts qui se crispent façon exorcisme à chaque contraction.😅

Je demande à Nathan de lancer tes audios « pendant et entre les contractions » mais elles sont tellement rapprochées que le DJ n’arrive pas à suivre et finit par lâcher pour mettre seulement le fond sonore qui accompagnait les audios d’auto hypnose.😅

 

C’est ce qu’il me fallait.

 

Je plonge à l’intérieur de moi, je me connecte à mon bébé, je me répète que ce n’est pas de la douleur mais un processus et que mon corps sait faire.

 

Les sons graves que j’émets instinctivement aident à traverser les contractions.

 

Nathan a bien retenu sa leçon et fait preuve d’une attitude parfaite, il m’encourage à voix basse, m’aide à gérer ma respiration, me propose des outils sans me brusquer, comprend la distance qu’il doit maintenir avec mon corps (un coup je le repousse, un coup je l’attire vers moi, ça ressemble presque à colin maillard vu que j’ai les yeux fermés🤣).

 

La douleur s’intensifie et j’ai peur de vomir le peu que j’ai mangé le matin, je demande un abricot sec mais ça ne passe pas, je jette ce qu’il en reste à travers la pièce (désinhibée vous dites ?😂).

 

Je commence à perdre pied, j’ouvre les yeux pour que Nathan puisse y lire ma détresse.

 

Il me propose qu’on fasse couler le bain. Je gardais l’eau en dernier recours mais j’accepte, tant pis, j’y passerai un temps et je demanderai sûrement la péridurale ensuite.

 

À 13h je rentre dans le bain, j’ai eu le temps d’enfiler mon maillot deux-pièces, acte totalement absurde mais apparemment j’y tenais🤣.

 

L’eau chaude me soulage immédiatement, je m’allonge, dos contre la paroi, jambes tendues.

 

Très vite je sens un changement dans les contractions, mon corps « pousse ».

À partir de là, je disparais pendant chaque contraction

Je ne me souviens plus de ces moments, la partie primitive de mon être a pris le dessus et connaît son taf. 

Nathan a appelé les sages femmes et Myriam arrive, accompagnée de Laetitia.

Elle me demande si elle peut contrôler mon col.

Au lieu de m’annoncer un chiffre, elle sourit :

« Félicitations Mathilde, votre bébé est là, vous allez accoucher ! »❤️

Elles s’équipent rapidement et reviennent à mes côtés, une vers chaque jambe.

« C’est quand vous voulez.
Quand vous sentez une contraction arriver vous prenez une grande respiration et vous poussez ».

Nathan est derrière moi, je serre sa main de toutes mes forces. 

 

Première poussée, la tête de notre fille descend, je donne tout, c’est intense, je veux que ça le soit, je suis accompagnée de toutes les femmes qui l’ont fait avant moi et qui le feront après moi, je crie d’une voix qui ne m’appartient pas.

 

Je m’excuse de le faire quand je reprends mon souffle (saleté de patriarcat qui nous enseigne d’être silencieuses et délicates😥). 

 

Deuxième poussée, c’est donc ça qu’on appelle le cercle de feu🔥 ?

 

Je ne veux pas que ça dure, je continue à mobiliser toutes mes forces.

 

Laetitia m’arrête et me demande de reprendre mon souffle. Sa tête est sortie🤩.

 

Troisième poussée, ses épaules sortent sans difficulté.

13h36. Olympe est là, elle passe d’un monde à l’autre, d’un liquide à un autre, de l’obscurité la plus totale à une ambiance tamisée ; elle passe de mon ventre à mes bras, avec toute la douceur que je souhaitais lui offrir😍

Je suis propulsée sur une autre planète, l’incrédulité et la joie collés sur le visage.

Des gouttes d’eau roulent sur son petit corps, comme sur les joues de Nathan🥺. 

 

Je me pensais fragile et faible, j’ai été persévérante et forte💪🏻.

 

Pour la première fois de ma vie j’ai été au bout d’un projet, et j’ai été fière de moi🥰.

Cet accouchement est ma plus belle victoire et Olympe, ma plus belle réussite. 

Merci Manon d’y avoir contribué💖

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